La législation française en matière de copropriété a connu ces dernières années des évolutions majeures visant à moderniser et à améliorer la gestion des immeubles en copropriété. Ces changements, introduits par plusieurs textes législatifs dont la loi ELAN et la loi Climat et Résilience, redéfinissent les règles du jeu pour les copropriétaires, les syndics et les conseils syndicaux. Décryptage de ces nouvelles dispositions qui bouleversent le paysage de la copropriété en France.
La réforme du statut de la copropriété : un cadre juridique renouvelé
La loi ELAN (Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) du 23 novembre 2018 a constitué une première étape importante dans la modernisation du régime de la copropriété. Cette loi a habilité le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à améliorer la gestion des copropriétés et à prévenir les contentieux.
L’ordonnance du 30 octobre 2019 relative au statut de la copropriété des immeubles bâtis a ainsi profondément modifié la loi du 10 juillet 1965, texte fondateur du régime de la copropriété. Cette ordonnance a apporté des changements substantiels concernant la définition même de la copropriété, les règles de majorité lors des assemblées générales, ou encore les pouvoirs du syndic.
Parmi les modifications les plus significatives, on note la nouvelle définition de la destination de l’immeuble, notion fondamentale qui conditionne l’usage que les copropriétaires peuvent faire de leurs lots. Désormais, cette destination est explicitement mentionnée dans le règlement de copropriété, offrant ainsi une plus grande sécurité juridique et limitant les interprétations divergentes qui étaient sources de nombreux litiges.
La dématérialisation des procédures : vers une copropriété 2.0
La digitalisation de la gestion des copropriétés constitue l’un des axes majeurs des récentes réformes. La loi ELAN a posé les jalons d’une copropriété numérique en facilitant la tenue d’assemblées générales à distance et en légalisant le vote par correspondance.
La crise sanitaire liée à la COVID-19 a accéléré cette évolution avec l’adoption de mesures exceptionnelles qui ont ensuite été pérennisées. Désormais, les copropriétaires peuvent participer aux assemblées générales par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification.
Par ailleurs, les notifications et mises en demeure peuvent désormais être envoyées par voie électronique avec l’accord exprès des copropriétaires. Cette dématérialisation des échanges représente un gain de temps et d’argent considérable pour les copropriétés, tout en contribuant à la réduction de l’empreinte écologique liée à la consommation de papier.
Les syndics de copropriété sont également tenus de proposer un accès en ligne sécurisé aux documents relatifs à la gestion de l’immeuble, permettant ainsi aux copropriétaires de consulter à tout moment l’historique des décisions prises en assemblée générale ou les comptes de la copropriété. Pour les situations complexes nécessitant un accompagnement juridique personnalisé, consulter un avocat spécialisé en droit immobilier peut s’avérer judicieux afin de bien comprendre vos droits et obligations.
Le renforcement des obligations en matière de performance énergétique
La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a introduit des dispositions ambitieuses concernant la rénovation énergétique des bâtiments en copropriété. Face à l’urgence climatique, le législateur a souhaité accélérer la transition écologique du parc immobilier français, dont les copropriétés constituent une part importante.
Parmi les mesures phares, l’obligation de réaliser un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) collectif pour les immeubles en copropriété dotés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement. Ce DPE collectif doit être accompagné d’un plan pluriannuel de travaux (PPT) visant à améliorer la performance énergétique du bâtiment.
Le PPT, obligatoire pour les copropriétés de plus de 15 ans depuis le 1er janvier 2023, doit être établi pour une période de dix ans et actualisé tous les dix ans. Il comprend la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, ainsi qu’à la réalisation d’économies d’énergie.
Pour financer ces travaux, les copropriétés doivent désormais constituer un fonds de travaux obligatoire dont le montant ne peut être inférieur à 5% du budget prévisionnel annuel. Cette obligation représente une charge supplémentaire pour les copropriétaires, mais elle vise à anticiper les dépenses futures et à éviter les situations de blocage où des travaux urgents ne peuvent être réalisés faute de financement.
La professionnalisation et l’encadrement de la fonction de syndic
Les récentes réformes ont également visé à professionnaliser davantage la fonction de syndic et à encadrer plus strictement ses missions et sa rémunération. Le contrat type de syndic, rendu obligatoire par la loi ALUR et précisé par un décret du 26 mars 2015, a été révisé pour apporter plus de transparence dans la relation entre le syndic et la copropriété.
La distinction entre les prestations incluses dans le forfait de base et les prestations particulières donnant lieu à une rémunération spécifique a été clarifiée. Le contrat doit désormais mentionner de manière exhaustive les prestations comprises dans le forfait, limitant ainsi les possibilités pour le syndic de facturer des prestations supplémentaires non prévues initialement.
Par ailleurs, les honoraires du syndic pour la gestion courante sont plafonnés en cas de mise en concurrence lors de la désignation du syndic. Cette mesure vise à limiter les abus et à encourager une saine compétition entre les professionnels.
La loi ELAN a également renforcé les obligations du syndic en matière d’information des copropriétaires. Ainsi, le syndic doit désormais établir une fiche synthétique de copropriété regroupant les données financières et techniques essentielles, facilitant ainsi la compréhension de la situation de l’immeuble par les copropriétaires.
L’évolution des règles de majorité pour faciliter la prise de décision
L’un des obstacles majeurs à la bonne gestion des copropriétés résidait dans la complexité des règles de majorité requises pour l’adoption des différentes décisions en assemblée générale. Les récentes réformes ont assoupli ces règles pour certaines catégories de décisions, facilitant ainsi la prise de décision et évitant les situations de blocage.
Désormais, de nombreuses décisions qui relevaient auparavant de la majorité absolue (article 25 de la loi de 1965) peuvent être adoptées à la majorité simple (article 24) lors d’une seconde lecture au cours de la même assemblée générale, si le projet a recueilli au moins un tiers des voix de tous les copropriétaires.
Cette évolution concerne notamment les décisions relatives à l’installation de compteurs d’eau individuels, aux travaux d’économie d’énergie ou d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives aux frais du copropriétaire concerné, ou encore à l’autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie d’accéder aux parties communes.
Par ailleurs, certaines décisions importantes peuvent désormais être prises à la majorité absolue au lieu de la majorité qualifiée des deux tiers (article 26), comme les travaux d’amélioration ou la suppression du poste de concierge ou de gardien et son remplacement par un prestataire de services.
La protection renforcée des copropriétaires et la prévention des contentieux
Les nouvelles réglementations accordent une attention particulière à la protection des copropriétaires et à la prévention des litiges. Plusieurs mesures ont été adoptées pour renforcer la transparence dans la gestion des copropriétés et faciliter le règlement des différends.
La création d’un médiateur de la consommation dédié aux litiges entre les syndics professionnels et les copropriétaires constitue une avancée significative. Cette procédure de médiation, gratuite pour le consommateur, permet de résoudre à l’amiable de nombreux conflits sans avoir recours à la justice, souvent longue et coûteuse.
De plus, la loi ELAN a étendu le champ d’application de l’action en justice du syndicat des copropriétaires. Celui-ci peut désormais agir conjointement ou à défaut des copropriétaires concernés, en cas d’atteinte à leurs intérêts, notamment pour les dommages affectant les parties privatives.
Enfin, pour prévenir les situations de surendettement des copropriétés, le législateur a renforcé les dispositifs d’alerte et d’intervention précoce. Le syndic a l’obligation d’informer sans délai le conseil syndical et les copropriétaires de toute procédure judiciaire intentée contre le syndicat. De même, les impayés de charges font l’objet d’un suivi rigoureux, avec l’obligation pour le syndic d’engager des procédures de recouvrement dans des délais stricts.
Les nouvelles réglementations en matière de copropriété marquent une évolution significative vers plus de transparence, d’efficacité et de durabilité dans la gestion des immeubles collectifs. Si ces réformes imposent de nouvelles contraintes, notamment en matière de rénovation énergétique, elles offrent également des outils modernisés pour faciliter la prise de décision et la gestion quotidienne. Pour les copropriétaires comme pour les professionnels du secteur, ces changements nécessitent une adaptation et une mise à jour constante des connaissances juridiques. L’enjeu est désormais de s’approprier ces nouveaux dispositifs pour faire de la copropriété un modèle d’habitat collectif responsable et harmonieux.